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La quête du prompt ultime : l’IA générative est-elle vraiment un moteur de connaissance ?

Introduction

Depuis l’essor des IA génératives, une véritable quête du « prompt ultime » agite les praticiens de l’éducation et de la technologie. Chaque mois ou presque, un nouveau prompt magique fait le buzz en promettant de décupler les performances de ChatGPT ou d’autres modèles. Ces « prompts ultimes » – très souvent construits sur la base de la méthode Rôle–Contexte–Tâche (RCT) – prétendent offrir une recette miracle pour obtenir des réponses parfaites. Mais derrière l’engouement se pose une question critique : et si le problème ne venait pas seulement du prompt mais de la nature même de l’IA générative ?

Cet article propose une critique nuancée de cette course au meilleur prompt. Nous verrons pourquoi l’IA générative n’est pas un moteur de connaissance mais bien un moteur de discours, et ce que cela implique pour son usage en éducation. Nous explorerons ensuite comment concevoir des assistants virtuels ou agents spécialisés en fonction des besoins, en ajustant les paramètres de génération et en s’appuyant sur des bases de connaissances fiables. Enfin, nous discuterons du rôle du fine-tuning (ajustement fin) pour créer des IA plus spécialisées, le tout avec un ton humble et réfléchi sur les promesses et limites de ces technologies pour l’enseignement supérieur.

L’IA générative : un moteur de discours, pas de connaissance

Un premier point fondamental est de comprendre la différence de nature entre une IA générative (comme ChatGPT) et un outil de recherche de connaissances. Contrairement à un moteur de recherche traditionnel qui interroge des sources vérifiables et à jour, une IA générative se contente de composer un discours à partir d’un modèle statistique figé, sans validation des faits. Autrement dit, produire un texte fluide ne signifie pas accéder à une vérité ou un savoir avéré.

Cette distinction est cruciale en contexte éducatif. Beaucoup d’utilisateurs confondent « chercher » et « générer ». Une IA générative ne détient pas en elle-même de base de connaissances constamment actualisée : elle réinvente du langage en s’appuyant sur les milliards de phrases assimilées lors de son entraînement. Elle n’indexe pas de nouvelles données et ne cite pas spontanément ses sources. Ce n’est pas un défaut en soi, mais cela signifie que nous n’apprenons rien de nouveau si l’on attend de l’IA une réponse “savant automatique” ; on obtient avant tout un discours probabiliste construit pour sembler pertinent. En somme, « l’un (le moteur de recherche) explore le réel, l’autre (le modèle génératif) réinvente du langage ».

Pour l’enseignant ou le chercheur, cette réalité impose de la prudence. On ne peut déléguer aveuglément à ChatGPT la tâche de « faire cours » ou d’apporter un contenu exact sans encadrement. Cela ne signifie pas que l’IA est inutile, mais qu’elle doit être perçue comme un outil d’aide à l’expression et à l’analyse, plutôt qu’un oracle de la connaissance. L’IA générative excelle à reformuler, à synthétiser des idées déjà présentes dans son entraînement, à tenir une conversation structurée. Elle peut donc aider à produire un discours intéressant sur un sujet, mais elle ne garantit pas la vérité des informations avancées.

Le phénomène du « prompt ultime » et ses limites

Face aux limites inhérentes de l’IA générative, de nombreux utilisateurs cherchent à « doper » les résultats via des prompts de plus en plus élaborés. C’est dans ce contexte qu’apparaît le phénomène du prompt ultime : un modèle de requête censé optimiser la réponse de l’IA. Sur les réseaux et blogs éducatifs, on voit fleurir des exemples de prompts ultra-détaillés – souvent articulés en suivant la méthode RCT (Rôle, Contexte, Tâche) – présentés comme LA solution miracle pour obtenir un contenu pertinent, créatif et exact.

La méthode RCT consiste justement à structurer la requête en spécifiant qui l’IA doit être, dans quelle situation elle se trouve, et quelle tâche précise elle doit accomplir. Par exemple, on pourra commencer le prompt par « Tu es un expert en histoire des sciences (rôle) », puis indiquer « Nous sommes dans le contexte d’un cours universitaire sur l’histoire de la physique (contexte) », et enfin formuler « Rédige un plan de leçon sur les découvertes de Newton en insistant sur le contexte de l’époque (tâche) ». L’approche RCT est effectivement très utile pour donner du cadre à l’IA et orienter sa réponse de manière claire. Elle évite des réponses trop vagues ou hors-sujet en ancrant le modèle dans un rôle défini et une mission concrète, ce qui correspond aux bonnes pratiques de prompt engineering.

Néanmoins, aussi sophistiqué soit-il, un prompt bien ficelé ne transforme pas magiquement le modèle en expert infaillible. Un « prompt ultime » ne peut compenser totalement le fait qu’un modèle de langage ne fait que prédire des mots sans comprendre le monde. Certes, demander à l’IA de jouer un rôle d’expert améliore souvent la qualité perçue du discours (ton plus formel, structure plus logique), et peut même amener le chatbot à poser des questions pour clarifier le besoin, comme le recommandent certains guides. Mais cela n’élimine pas le risque d’erreurs factuelles (hallucinations) ou de biais dans le contenu généré. En d’autres termes, le diable n’est pas seulement dans le prompt : il est dans la nature du modèle et dans la qualité des données sur lesquelles il a été entraîné.

Chaque nouvelle astuce de prompt peut donner l’illusion temporaire d’avoir « dompté » l’IA, alors qu’en réalité on n’a fait que mieux formater la question. Le vrai progrès, pour l’éducation, ne résidera sans doute pas dans un prompt magique universel, mais dans l’apprentissage de comment interagir intelligemment avec ces modèles tout en gardant un regard critique.

Hallucinations et biais : l’illusion du texte convaincant

L’un des dangers bien documentés de l’utilisation naïve d’une IA générative est sa tendance à produire des hallucinations, c’est-à-dire des informations complètement fabriquées mais présentées d’un ton convaincant. Par exemple, ChatGPT peut inventer de toutes pièces une référence bibliographique inexistante ou affirmer des « faits » erronés avec aplomb. Ces hallucinations sont une conséquence directe du mode de fonctionnement de l’IA : le modèle vise la cohérence linguistique, pas la véracité. En effet, un grand modèle de langage fonctionne un peu comme un autocompléteur avancé : il prédit le mot ou la phrase suivante qui lui semble la plus plausible sur la base de ce qu’il a vu pendant son entraînement, sans accès à la réalité pour confirmer l’exactitude de son propos. Toute corrélation avec la vérité n’est bien souvent qu’une coïncidence heureuse, surtout sur des sujets pointus ou des données factuelles récentes.

De même, les biais présents dans les données d’entraînement peuvent rejaillir dans les réponses de l’IA. Des études ont montré que les modèles génératifs peuvent reproduire ou amplifier des stéréotypes de genre ou de race s’ils sont présents dans leurs données d’apprentissage. Un outil comme ChatGPT n’a pas de compréhension éthique ou factuelle autonome : il recompose du texte en s’inspirant du corpus qui lui a été fourni, corpus qui contient forcément des imprécisions, des biais culturels, des perspectives partielles. Par conséquent, utiliser ces outils en éducation requiert une vigilance : il faut sans cesse vérifier les assertions produites et être conscient que la « voix confiante » de l’IA peut masquer une information fausse ou discutable.

Pour les étudiants, ce phénomène d’hallucination pose un risque particulier s’ils utilisent l’IA pour leurs recherches : sans esprit critique, ils pourraient prendre pour argent comptant un contenu généré qui en réalité est infondé. On a vu par exemple des cas où ChatGPT a inventé de faux articles scientifiques en leur attribuant des auteurs et des revues imaginaires, ce qui peut piéger l’élève non averti. Les enseignants doivent donc insister sur le fait que le texte produit par une IA n’est pas une vérité validée, et encourager les apprenants à recouper avec des sources fiables.

Heureusement, il existe des parades et des bonnes pratiques pour mitiger ces écueils sans renoncer aux apports positifs de l’IA. Nous allons voir qu’en concevant mieux nos interactions avec le modèle – à travers des prompts bien pensés, des paramétrages adaptés et l’apport de connaissances externes – on peut réduire significativement les dérives tout en exploitant le potentiel de ces assistants virtuels.

Concevoir des assistants virtuels adaptés aux besoins

Une piste pour obtenir des résultats plus pertinents est de concevoir l’IA comme un assistant spécialisé plutôt que comme un généraliste passe-partout. Cela rejoint la notion évoquée plus haut de définir un rôle à l’IA dans le prompt, ou même de créer des agents conversationnels dédiés à certaines tâches. Par exemple, au lieu d’avoir une seule IA omnipotente censée tout savoir (ce qui est illusoire), on peut imaginer un assistant virtuel « tuteur en mathématiques de niveau lycée », un autre « conseiller d’orientation », ou un « assistant de recherche bibliographique », chacun avec des instructions et un contexte propres.

Concrètement, cela signifie élaborer des prompts contextuels détaillés, voire enchainer plusieurs échanges pour affiner la compréhension de l’IA. Une bonne pratique mise en avant consiste à inciter le modèle à poser des questions de clarification avant de répondre afin de cerner précisément le besoin. Par exemple, si on demande à l’IA de rédiger une fiche de cours, on peut d’abord lui préciser son rôle (“Tu es un pédagogue expert en didactique des sciences”) et son contexte (niveau des étudiants, objectifs du cours), puis l’inviter à demander toute information manquante. Cette approche interactive, qui renverse les rôles habituels, a montré son efficacité : ChatGPT peut adopter la posture d’un expert qui s’assure d’avoir tous les détails pertinents avant de délivrer sa solution.

En créant ainsi des agents spécialisés, on réduit la probabilité de réponses à côté de la plaque. Chaque agent opère dans un cadre délimité, ce qui aide l’IA à mieux circonscrire son discours. Par analogie, c’est un peu comme si, au lieu d’un seul étudiant sommairement briefé à qui on demanderait de parler de n’importe quel sujet, on avait plusieurs assistants entraînés chacun dans leur discipline : leurs réponses resteront bien sûr générées par le même modèle linguistique, mais le fait de borner le contexte et le rôle améliore la cohérence et la pertinence du résultat.

Il faut cependant rester conscient que cette spécialisation par le prompt a ses limites : elle ne crée pas de savoir nouveau, elle organise surtout la façon dont le modèle va puiser dans son bagage existant. Pour aller plus loin dans la fiabilité, il faut s’intéresser à d’autres leviers complémentaires, comme les paramètres de génération et l’apport explicite de connaissances à jour.

Ajuster les paramètres pour des réponses optimisées

Les outils modernes d’IA offrent souvent la possibilité de régler des paramètres de génération qui influent sur le style et la fiabilité des réponses. Les plus connus sont la température, le top-p (filtrage par probabilité cumulative), le top-k (filtrage par nombre de choix possibles) ou encore la pénalité de répétition. Pour un public d’enseignants ou d’étudiants avancés, comprendre l’effet de ces réglages peut permettre de mieux contrôler l’IA en fonction de l’objectif poursuivi.

Le paramètre de température mérite une attention particulière. Il détermine le degré de créativité ou d’aléatoire dans la génération. Plus la température est basse, plus le modèle aura tendance à produire les complétions les plus probables et donc des réponses sages et cohérentes (au risque d’être un peu convenues). Au contraire, une température élevée le pousse à prendre des chemins moins prévisibles, favorisant l’originalité mais aussi la variabilité des sorties. Ainsi, abaisser la température (ex. 0,2) incite l’IA à fournir des réponses focalisées, consistantes et factuelles, tandis qu’une température plus haute (ex. 0,8) la rendra plus prolixe et imaginative – utile pour du brainstorming ou de la création narrative. Dans un contexte éducatif, on choisira une température faible pour des tâches où la précision est cruciale (par exemple expliquer un concept scientifique de façon fiable), et on pourra se permettre une température plus élevée pour stimuler des idées d’essayage ou des perspectives originales en discussion de groupe.

Les paramètres top-p et top-k agissent de manière un peu analogue, en restreignant les options de mots que l’IA peut choisir à chaque étape. Par exemple, un top-p = 0.9 signifie que le modèle ne considérera que les mots dont la probabilité cumulée atteint 90% (écartant les options les plus improbables). Un top-k = 50 limite quant à lui le choix aux 50 tokens les plus probables à chaque itération. En jouant sur ces filtres, on peut affiner le trade-off entre diversité et fiabilité du texte généré. Une valeur stricte (p proche de 0.8 ou k petit) limitera la créativité mais diminuera le risque de dérapage sémantique ou de contenu farfelu.

Enfin, la pénalité de répétition influe sur la tendance du modèle à se répéter ou à recycler les mêmes tournures. En augmentant cette pénalité, on force l’IA à varier son vocabulaire et ses phrases, ce qui peut être bénéfique pour éviter les redites dans un exposé ou un article. Toutefois, une pénalité trop forte peut parfois dégrader la cohérence (le modèle évitant même des formules nécessaires par peur de “répéter”). Un équilibre est donc à trouver selon les cas.

Pour résumer, ajuster ces paramètres est un moyen de personnaliser le comportement du modèle. Un éducateur technophile pourrait très bien configurer un assistant conversationnel différemment selon qu’il l’utilise pour réviser des connaissances factuelles (paramètres favorisant la précision) ou pour stimuler la pensée créative de ses élèves (paramètres libérant plus de diversité). Notons qu’une étude du MIT souligne par exemple que l’utilisation de modèles à faible température contribue à des réponses plus factuelles et cohérentes, tandis que des températures élevées conviennent mieux aux tâches ouvertes et inventives. En pratique, des interfaces comme celles d’OpenAI ou d’autres plateformes éducatives intégrant l’IA offrent parfois ces réglages sous forme de curseurs – il est utile d’expérimenter pour constater l’impact sur la qualité des résultats.

S’appuyer sur des bases de connaissances fiables

Aucun réglage de prompt ou de paramètre ne remplace toutefois la connaissance réelle. Pour éviter de « tourner à vide » avec une IA qui brode sans savoir, la meilleure approche consiste souvent à l’alimenter en informations authentiques issues de sources sûres. C’est le principe des systèmes d’IA dits “RAG” (Retrieval-Augmented Generation) ou génération augmentée par la recherche. L’idée est simple : avant de générer sa réponse, l’IA va interroger une base de connaissances externe pertinente, puis s’appuyer sur ce matériel pour formuler une réponse plus exacte. Des recherches récentes ont montré que ce type d’approche améliore la précision factuelle des réponses et augmente la confiance des utilisateurs dans le contenu généré.

Comment cela se traduit-il dans un contexte éducatif ? Imaginons que vous souhaitiez que l’IA aide à préparer un cours d’histoire. Plutôt que de lui demander « Raconte-moi la Révolution française » de but en blanc, on obtiendra de bien meilleurs résultats en la dotant d’un corpus documentaire ciblé : par exemple le contenu d’un manuel, ou des extraits d’ouvrages de référence sur 1789. Certaines plateformes permettent d’uploader des documents ou d’effectuer des recherches web intégrées. L’IA va alors citer ou paraphraser ces documents lors de la génération de la réponse, réduisant drastiquement le risque d’inventer des informations.

Même sans outils sophistiqués, on peut manuellement incorporer des données dans le prompt. Par exemple : « D’après l’article de Untel (2020) sur les causes de la Révolution, quels facteurs sociaux dois-je aborder ? Voici un extrait : “…” ». En fournissant ce contexte, on transforme l’IA en un véritable assistant de recherche capable de synthétiser des connaissances existantes plutôt que de combler les vides par des suppositions. Bien sûr, cela demande un effort de préparation de la part de l’enseignant ou de l’étudiant, mais le gain en fiabilité est énorme. On retrouve ici l’idée qu’une IA bien utilisée nous force à clarifier notre propre besoin et à rassembler nos sources, ce qui est en soi un exercice pédagogique bénéfique.

L’apport d’une base de connaissances actualisée permet en outre de compenser le caractère figé du modèle. Par exemple, si le modèle n’a été entraîné qu’avec des données allant jusqu’en 2021, il ignorera tout des événements plus récents. En lui donnant accès à des articles ou données post-2021 via un module de recherche, on peut le rendre subitement “connaissant” de choses qu’il n’aurait autrement pas pu traiter. On voit ainsi que l’IA générative n’est pas un silo fermé : bien orchestrée, elle peut devenir une interface conversationnelle vers le savoir humain existant. Cela demande toutefois de l’intendance – sélectionner, vérifier et fournir les informations – un rôle qui reste éminemment humain.

Le fine-tuning : vers des IA plus spécialisées

Pour aller encore plus loin dans l’intégration de connaissances spécifiques et l’adaptation aux besoins éducatifs, une autre voie se dessine : le fine-tuning des modèles de langage. Le fine-tuning (ou ajustement fin) consiste à reprendre un modèle pré-entraîné et à le ré-entraîner sur un ensemble de données ciblé, typiquement plus restreint et spécialisé, afin de l’adapter à une tâche particulière. Par exemple, on pourrait fine-tuner un modèle généraliste sur un corpus de textes pédagogiques en biologie pour en faire un assistant expert en biologie, familier du vocabulaire scientifique et des contenus des programmes.

Techniquement, le fine-tuning ajuste les poids du réseau de neurones du modèle dans une mesure limitée, de sorte qu’il apprenne les spécificités du nouveau domaine sans oublier ses connaissances de base. Cela permet d’obtenir une IA qui, à l’usage, sera plus pertinente et fiable dès la première réponse, car elle aura intégré des connaissances de terrain lors de son entraînement complémentaire. Dans le contexte éducatif, on peut imaginer fine-tuner des modèles sur des bases de connaissances institutionnelles : programmes officiels, supports de cours validés, publications de recherche, etc. L’IA deviendrait ainsi un véritable tuteur numérique connaissant le contenu exact que l’on enseigne dans telle matière et capable de s’y référer précisément.

Les avantages sont séduisants : réduction drastique des hallucinations (puisque l’IA “sait” déjà les faits importants de son domaine), homogénéité du style de réponse aligné sur ce qu’attendent les formateurs, et possibilité d’inclure des exemples locaux ou spécifiques (par ex. du contenu historique national peu présent dans les données globales). Néanmoins, le fine-tuning a des coûts et des limites : il nécessite des ressources en données et en calcul, et on perd un peu de la polyvalence du modèle en le spécialisant. De plus, un modèle fine-tuné sur des sources erronées amplifierait ces erreurs, d’où l’importance d’un corpus de qualité.

Dans la pratique actuelle de l’éducation, le fine-tuning n’en est qu’à ses balbutiements, mais on voit déjà apparaître des initiatives – par exemple des universités qui fine-tunent des modèles open-source sur leurs bibliothèques numériques afin de proposer des chatbots renseignés sur leurs archives. Cette approche pourrait préfigurer les manuels scolaires intelligents de demain. Mais gardons à l’esprit que, même fine-tunée, une IA générative conserve son mode de fonctionnement probabiliste : elle peut toujours formuler un contenu de manière nouvelle qui, bien que fondé sur ses données, pourrait comporter des tournures inattendues ou des erreurs d’interprétation. Le fine-tuning réduit les risques sans les supprimer totalement, et requiert donc la même posture critique de la part de l’utilisateur.

Humilité et esprit critique : vers une intégration raisonnée de l’IA

En définitive, cette exploration critique du prompt engineering et des astuces pour améliorer les sorties de l’IA nous ramène à une vertu clé : l’humilité. Il faut accepter que, par nature, une IA générative n’est pas infaillible, et qu’il n’existera pas de « prompt ultime » qui délivre un savoir parfait sans effort. En éducation, cela signifie qu’enseignants et étudiants doivent aborder ces outils avec un esprit de recherche collaborative plutôt que comme un guichet automatique à réponses.

Oui, l’IA peut énormément apporter – pour stimuler la créativité, varier les explications d’un concept, fournir des rétroactions rapides, etc. – mais son apport ne se concrétise que si l’utilisateur fait sa part du travail : poser les bonnes questions, fournir du contexte, vérifier la cohérence des réponses, et être prêt à corriger ou orienter l’IA en cours de route. En un sens, interagir avec une IA générative peut devenir une occasion d’apprentissage métacognitif : on apprend à formuler clairement un problème, à préciser ses critères, à analyser de façon critique une proposition – autant de compétences précieuses pour les étudiants du supérieur.

Plutôt que de céder aux sirènes du dernier « hack » miracle, les éducateurs gagneraient à développer une pédagogie de l’IA : expliquer comment et pourquoi le modèle peut se tromper, encourager les apprenants à documenter leur utilisation (par exemple en demandant quelles sources l’IA devrait citer pour appuyer sa réponse), et intégrer l’IA comme un outil parmi d’autres dans la démarche d’apprentissage, et non comme une fin en soi. Le discours sur l’IA doit rester mesuré : ni alarmiste au point de la bannir (car on passerait à côté d’innovations utiles), ni technophile naïf au point de croire qu’une bonne formulation suffit à transformer un modèle statistique en professeur omniscient.

En conclusion, la vraie « ultime astuce » n’est peut-être pas un prompt, mais une prise de conscience : c’est l’utilisateur humain qui fait la différence dans la valeur pédagogique de l’IA. Concevoir des agents adaptés, régler les paramètres judicieusement, adosser l’IA à des connaissances solides, voire la spécialiser par entraînement, ce sont là des moyens puissants d’améliorer la qualité du discours généré. Mais ils doivent s’accompagner d’un regard critique et humble sur ce discours. C’est à cette condition que l’on pourra, dans l’enseignement supérieur, profiter de l’IA générative non pour « apprendre à la place », mais pour apprendre à apprendre, en exploitant son potentiel tout en reconnaissant ses limites.

Sources citées :

  • Jérôme Sacard, « L’IA n’est pas un moteur de connaissance… », post LinkedIn, 2025.
  • D. Ichbiah, « ChatGPT : découvrez l’astuce pour créer le prompt ultime », Futura Sciences, 2023.
  • MIT Sloan EdTech, “When AI Gets It Wrong: Addressing AI Hallucinations and Bias”, 2023.
  • Modulo (blog), « L’art du prompt : guide pratique… », 2025.
  • Datascientest, « Fine-Tuning : qu’est-ce que c’est ? », 2024.